La cruauté des croisés à Jérusalem
«Comme ils avaient essayé sans succès de prendre la ville d'Acre, ils [les Francs] se portèrent vers Jérusalem et l'assiégèrent pendant plus de quarante jours. [...] La ville sainte fut prise dans la matinée du 22 du mois de shaban [le 15 juillet 1099]. Aussitôt, la foule prit la fuite. Les Francs restèrent une semaine dans la ville, occupés à massacrer les musulmans. Une troupe de musulmans s'était retirée dans le Mirhab [sanctuaire] de David et s'y était fortifiée. Elle se défendit pendant trois jours. Les Francs ayant offert de les recevoir à capitulation, ils se rendirent et eurent la vie sauve.
Les Francs massacrèrent plus de soixante-dix mille musulmans dans la mosquée al-Aqsa. Parmi eux, on remarquait un grand nombre d'imams, d'ulémas [savants], et de personnes menant une vie pieuse et austère qui avaient quitté leur patrie pour venir prier dans ce noble lieu. Les Francs enlevèrent de la chapelle de la Sakhra [dépendance de la mosquée al-Aqsa] plus de quarante lampes d'argent, chacune d'un poids de trois mille six cents dirhems. Ils y prirent aussi un tennour [grande lampe] d'argent de Syrie ainsi que cent cinquante lampes de moindre grandeur. Le butin fait par le Francs était immense.
Les personnes qui avaient quitté la Syrie arrivèrent à Bagdad au mois de ramadan [fin juillet-début août] et y firent un récit qui anacha des larmes de tous les yeux. La douleur était dans tous les coeurs. Ces personnes, le vendredi qui suivit leur arrivée, restèrent dans la grande mosquée, invoquant la miséricorde divine. Elles pleuraient, et le peuple entier pleurait avec elles. Elles racontèrent les malheurs qui avaient frappé les musulmans de nobles et vastes contrées, le massacre des hommes, l'enlèvement des femmes et des enfants, le pillage des propriétés. Telle était la douleur générale qu'on ne pensa plus à observer le jeûne. »
Prise de Jérusalem vue par un croisé
Fantassins et chevaliers se frayaient un chemin à travers les cadavres. Mais tout cela n'était encore que peu de choses. Accédons au Temple de Salomon, où les Sarrasins avaient coutume de célébrer les solennités de leur culte. Qu'arriva-t-il en ces lieux ? Si nous disons la vérité, nous outrepassons les limites du croyable.
Qu'il suffise de dire que dans le Temple et dans le portique de Salomon, on chevauchait dans le sang jusqu'aux genoux du cavalier et jusqu'à la bride du cheval. Juste et admirable jugement de Dieu, qui voulut que ce lieu même reçut le sang de ceux dont les blasphèmes contre lui l'avaient si longtemps souillé. La ville se trouvant ainsi comble de cadavres et inondée de sang, quelques Sarrasins se réfugièrent dans la tour de David, et ayant demandé au comte Raimond de leur garantir la sécurité par sa droite, ils lui rendirent la citadelle.